SLOVÉNIE – Quelle crise ?

 

SLOVÉNIE

Quelle crise ?

Par Catherine Samary *

La Slovénie a été souvent présentée dans les médias depuis la crise chypriote comme le prochain maillon faible de la zone euro, susceptible de faire appel à « l’aide » européenne. Elle affronte une crise réelle, mais qui est exploitée pour faire « passer » les mesures « structurelles » réclamées de façon récurrente par les institutions financières internationales et européennes depuis des années. La mobilisation sociale qui s’est déployée pendant des semaines dans tout le pays au cours de l’hiver, en sourdine aujourd’hui, comporte des atouts exceptionnels et de grandes fragilités. Sa consolidation et son extension détermineront l’issue d’un bras de fer dont les enjeux se situent bien au-delà des deux millions d’habitants du pays.

 

Les enjeux immédiats : le sauvetage de quoi ?

 

 

Malgré une fragile reprise succédant à la forte récession (— 8 %) de 2009, la Slovénie est retombée en récession (— 2,5 %) en 2012 et les pronostics sont pessimistes pour 2013. Le taux de chômage, qui était en dessous de 8 % en 2010 dépasse aujourd’hui les 11 %.

Avant sa chute (sur arrière-fond de scandale pour fraude fiscale) début 2013, le gouvernement de droite de Janez Jansa a créé une structure de défaisance des titres toxiques (« Bad Bank ») dotée d’un plafond de 4 milliards d’euros de ressources garanties par l’État ; le nettoyage des banques est associé à la mise en place d’une Agence unique des participations de l’État (les divers titres financiers qu’il détient) et des engagements de « restructuration » et de « consolidation fiscale » supposées ramener le déficit public actuel vers 0,5 % du PIB en 2015. De premières réformes des retraites et du code du travail, adoptées en décembre 2012, indiquent l’orientation suivie.

Le Fonds monétaire international (FMI) a envoyé en Slovénie une mission qui a livré ses appréciations à la fin de sa visite, en mars 2013 (1). Selon son rapport, la situation alarmante du pays est due à une « spirale négative » mêlant trois composantes : les banques (« en sévère détresse »), les entreprises surendettées et l’État, impliqué de toutes parts et laissant flamber son déficit.

Il y a évidemment du vrai dans cette description : les trois plus grosses banques du pays — dont l’État est le principal actionnaire — ont connu une augmentation de la part de créances douteuses sur l’ensemble de leurs prêts passant de quelque 6 % en 2009 à plus de 20 % en 2012, un tiers des crédits aux entreprises étant, selon ce rapport, non recouvrables. Le FMI estime les besoins de financement du pays à 3 milliards d’euros en 2013 (l’équivalent de 9 % du PIB de ce petit pays de 2 millions d’habitants), dont 1/3 pour la recapitalisation des banques avec pour le gouvernement une échéance très importante de refinancement de sa dette publique en juin 2013, pour un montant d’un milliard d’euros.

Le rapport du FMI soutient et radicalise les premières mesures prises. Mais sa mission dit s’inquiéter du « manque de transparence » et des intérêts croisés opaques sous-jacents à la crise. Elle propose d’y répondre en suggérant d’intégrer aux nouvelles structures mises en place des experts internationaux « indépendants ». Indépendants de qui ?

Le FMI se soucie également d’un « mauvais usage des finances publiques » et déclare, dans son rapport de mars, quelle est sa réponse : « la défense mal conçue de “l’intérêt national” incluant l’hostilité à la vente d’actifs aux étrangers, pèse sur le budget et prolonge de façon excessive la déprime du secteur bancaire et des entreprises. Une privatisation conséquente pourrait fournir un signal puissant aux investisseurs internationaux ». Le discours a le mérite de la clarté.

La première recette préconisée est donc l’ouverture — jusqu’alors plus restreinte en Slovénie qu’ailleurs (voir plus loin) — au capital étranger. La seconde relie les besoins considérables de (re)financement évoqués aux exigences d’austérité budgétaire des Pactes européens. La Mission du FMI déclare que les premières mesures prises (sur la réforme des retraites et le code du travail) « vont dans la bonne direction ». Quel lien avec la crise bancaire et les déficits des entreprises ? Aucun. Par contre, il s’agit bien, comme partout ailleurs de faire passer l’équation universellement connue : austérité budgétaire (règle d’or) = baisse des dépenses publiques, donc privatisation des services publics et réduction des salaires et protections sociales. Tel est le contenu des « gains de compétitivité » recherchés…

La Mission du FMI reconnaît l’importance que de telles orientations soient « négociées », c’est-à-dire acceptées par les syndicats et associations de retraités, consentant à se serrer la ceinture sous pression de la crise et de la logique de la concurrence. Tel est l’enjeu primordial.

La nouvelle Première ministre Alenka Bratusek de « centre-gauche » (2) a promis de présenter un plan de restructuration d’ici début mai et rassuré le Parlement en affirmant que le système bancaire était sous contrôle, rejetant toute comparaison avec la situation de Chypre.

Et c’est vrai à plusieurs égards.

Alors que la part des actifs bancaires représente à Chypre 700 % du PIB (2500 % au Luxembourg…), elle est de 130 % en Slovénie. Le renflouement des banques a fait flamber le déficit budgétaire annuel à quelque 6 % du PIB depuis 2009 (le gouvernement promettant un retour vers 0,5 % à l’horizon 2015), ce qui a évidemment augmenté le stock de dette publique. Mais celle-ci demeure inférieure à 50 % du PIB, bien en dessous des normes européennes. Et la Slovénie n’est pas non plus un paradis fiscal. Au contraire, pourrait-on dire, en mettant l’accent sur ce qui a fait, de cette ancienne République yougoslave devenue indépendante en 1991 et membre de l’UE en 2004, un lieu de résistances sociales majeures aux préceptes néolibéraux — et non pas comme on le dit souvent son « meilleur élève » — au point que les institutions financières considèrent sa « transition » inachevée et que le FMI prône de réaliser enfin les réformes structurelles pour « aller plus loin ».

 

Plus loin, vers où ? Pour qui ? Comment ?

 

Suivant l’exemple d’autres pays, la société civile slovène pourrait demander un audit public des dettes slovènes, sous contrôle « citoyen » — notamment des organisations syndicales et des représentant(e)s des grandes mobilisations populaires, des travailleurs des banques et des entreprises endettées : il faut ouvrir les livres de compte comme il faut voir de près la gestion du budget, avec recours à des (contre) experts face à ceux du FMI et des institutions dominantes slovènes — inspiré par l’expérience du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM).

Chaque nouveau cas est à la fois spécifique (et il faut en analyser les particularités) et le produit de « l’esprit » dominant du capitalisme réel où toutes les nouvelles offensives néolibérales exploitent partout les diverses crises « de la dette » pour faire « progresser » le démantèlement des services publics et des droits sociaux.

Il s’agit de faire la clarté sur les montages financiers qui ont nourri en Slovénie une bulle immobilière majeure (similaire et sans doute reliée à celle qui a frappé la Croatie et le Monténégro ou encore la Hongrie) et qu’il faut pouvoir répudier dans leur illégitimité : il semble qu’une part substantielle des fonds publics aux entreprises slovènes ait été fournie sur la base de crédits transfrontaliers en devises spéculant sur des différences de taux d’intérêt et de taux de change, notamment en franc suisse.

Il n’y a pas de réelle crise de « la dette souveraine » en Slovénie, mais une vraie crise bancaire accompagnée de celle de toute la classe politique dominante du pays, avec la volonté des partis et institutions dominantes nationales et internationales de canaliser et discipliner la colère populaire et les résistances. Or celles-ci ont été majeures — même si elles demeurent fragiles — depuis l’indépendance du pays.

 

 

Les résistances slovènes derrière le « gradualisme »

 

 

Depuis l’indépendance de 1991, les partis de droite n’ont cessé de vouloir éradiquer les traces de la Yougoslavie autogestionnaire et de criminaliser la révolution tout en distillant une présentation des courants réactionnaires comme « vrais patriotes ». Mais la Slovénie a beaucoup bénéficié du passé tant au plan des droits nationaux que sociaux : c’est même dans le cadre yougoslave très confédéré qu’elle a véritablement construit son État. Et les droits autogestionnaires y ont été efficaces économiquement, léguant notamment un service de santé et d’éducation de haut niveau. C’est pourquoi pendant quinze ans (après le court épisode d’une coalition Demos de droite en 1991), la présidence et l’assemblée slovène ont été dominées par des orientations de « centre-gauche » sensibles aux pressions populaires et résistant aux politiques de destruction radicale des acquis sociaux.

Mais le « gradualisme » slovène est d’abord le résultat de luttes où les aspirations populaires se sont exprimées de façon collective et organisée. Pas au plan politique : les ex-communistes social-démocratisés ont basculé comme ailleurs vers le social-libéralisme, l’insertion dans l’UE et OTAN (présentées comme « liées ») et les relations clientélistes. La modération relative des gouvernements de centre-gauche qui ont dominé pendant 15 ans (jusqu’en 2004) fut plutôt une manière de « faire passer » la restauration capitaliste, tout en cédant aux luttes et pressions sociales sur des points particuliers du programme néolibéral. Aucun parti politique n’a réellement porté ces résistances (hormis, jusqu’aux récentes années, le Parti des retraités, qui s’est malheureusement intégré dans la récente coalition de droite) : ce sont les syndicats slovènes qui les ont organisées. Telle est la véritable cause des spécificités slovènes, évidemment explicables par une certaine force populaire dans la défense d’acquis sociaux, mais aussi par les qualités propres de dirigeants syndicaux issus de cette histoire-là.

Dès l’indépendance de 1991, en effet, les anciens syndicats officiels se sont dissous et immédiatement transformés en une Confédération des syndicats libres (ZSSS) tournée vers l’organisation de résistances concrètes. Elle fut capable d’impulser plusieurs grèves générales et grandes manifestations (cf. Encart et note 8) dont il faut rapporter les chiffres de plusieurs dizaines de milliers de personnes à une population totale de 2 millions d’habitants et une capitale de 350 000 habitants. Lorsque de nouveaux syndicats se sont formés, des fronts ont également été recherchés.

Il en est résulté, depuis le début des années 1990, des cadres de négociation collective (syndicats, patronat, État) et des droits d’initiative populaire importants : le Parlement est tenu d’examiner toute proposition de loi émanant d’au moins 5 000 électeurs, y compris une proposition de loi constitutionnelle soumise par au moins 30 000 électeurs. Il est également tenu de convoquer un référendum si au moins 40 000 électeurs en font la demande. Parallèlement aux négociations dans les cadres institutionnels, les syndicats ont régulièrement et jusqu’à ce jour maintenu un rapport de forces externe : ils ont organisé des mobilisations de rue impressionnantes ou des campagnes pour obtenir — et gagner — des référendums populaires contre des projets anti-sociaux.

Autrement dit, bien avant les soulèvements de l’hiver 2012 dont les médias internationaux ont parlé — crise bancaire oblige —, les mobilisations hostiles aux politiques néolibérales dominantes ont été exceptionnelles dans les années passées par comparaison à l’ensemble des pays de l’Est candidats à l’UE, sinon au-delà. Et cela, dans plusieurs domaines clés : depuis les résistances aux privatisations jusqu’aux blocages des projets de réforme du système de pension, en passant par le refus de la flat-tax (impôt unifié à taux unique et non plus progressif sur les revenus et le capital), la protection des salaires et le rejet de contrats précaires.

On peut dire synthétiquement que la croissance slovène n’a pas utilisé les « avantages compétitifs » prônés ailleurs (baisse des salaires et baisse des impôts sur le capital). Parce qu’aussi, les sentiments populaires et le mouvement syndical ont été appuyés par les analyses de l’ancien ministre et économiste Joze Mencinger (3) tranchant avec l’alignement de la plupart des économistes d’Europe de l’Est sur les thèses néolibérales : il souligna notamment le caractère pour le moins incertain d’une orientation fondée sur les bienfaits des investissements directs étrangers (IDE) et, en tout état de cause, la nécessité d’une maîtrise macro-économique des financements.

 

 La croissance slovène a été forte et régulière, plaçant le pays à un niveau proche de la moyenne européenne, au-dessus de tous les autres nouveaux pays membres de l’UE d’Europe de l’Est, et cela « malgré » des niveaux de salaires plus élevés, le rejet de l’impôt à taux unique et faible sur le capital et les revenus et, donc, une part des IDE rapportée au PIB plus faible qu’ailleurs. Les arguments économiques et sociaux se sont combinés à un nationalisme hostile au capital étranger tranchant avec le choix estonien opposé (4).

Voilà pourquoi la Slovénie a été un « contre-modèle » — même si, comme ailleurs, la restauration capitaliste a eu lieu — selon les institutions financières internationales et européennes : il s’agit aujourd’hui de détruire « jusqu’au bout » toute spécificité et toute résistance à la pleine logique de la concurrence capitaliste mondialisée.

Or ces résistances ont été largement piégées par la façon dont l’ancienne propriété sociale a été démantelée. Il faut y revenir.

 

 

À la racine des attaques sociales : étatisation et actionnariat « de masse » à la place de la propriété sociale

 

 

L’ancienne « propriété sociale » n’appartenait pas à l’État ; et elle était associée à un statut et des droits autogestionnaires et non pas à l’argent. Elle a été démantelée par en haut (l’étatisation nationale/nationaliste) et par en bas : le piège de l’actionnariat populaire de masse — dans le contexte traumatisant de la crise et des guerres yougoslaves. S’il n’est pas possible de revenir ici sur ces épisodes, ni sur l’autodétermination de chaque peuple, on peut dire que tous les peuples de la région ont souffert de l’absence d’un projet yougoslave — ou mieux, balkanique (impliquant les peuples slaves et non slaves sur un pied d’absolue égalité) — de gestion solidaire de la crise des années 1980 préservant les droits sociaux (autogestionnaires) et nationaux acquis. La consolidation des droits de propriété des nouvelles bourgeoisies nationales s’est faite dans l’opacité et sans aucun moyen autonome de défense de leurs droits et intérêts par les travailleurs de toutes les nationalités.

La restauration capitaliste a donc bien eu lieu en Slovénie comme ailleurs — y compris avec son lot de « restitutions » aux anciens propriétaires, dont l’Église catholique qui a remis la main sur les forêts du pays. Et comme ailleurs, l’extrême faiblesse de capital/argent endogène pour « acheter » réellement des entreprises a signifié, comme dans la majeure partie des pays du « socialisme réel » (mis à part la Hongrie et les États baltes, qui se sont tournés rapidement vers le capital étranger) une première phase de « privatisation de masse » (essentiellement juridique, sans apport — ou avec peu — de capital argent) prétendant restituer aux travailleurs les « parts » de l’ancienne propriété, par l’actionnariat.

En même temps qu’il y a eu « étatisation » dans la responsabilité des privatisations — avec de nouvelles lois brisant le caractère « social » de l’ancien système de propriété indifférent à la nationalité — associées à la mise en place d’États-nations, un actionnariat populaire « de masse » a donc été créé. Après plusieurs années de négociations, le système adopté en Slovénie répartissait le capital social des entreprises divisé en parts, selon l’équation suivante : 10 % aux fonds de retraite ; 10 % aux anciens propriétaires (restitutions) ; 20 % aux fonds de développement ouverts à de nouveaux acquéreurs. Sur les 60 % restants, 20 % devaient être distribués gratuitement aux insiders (collectifs de travail « internes » —travailleurs et directeurs — de chaque entreprise) et les 40 % restant étaient soit affectés à l’État (entreprises stratégiques ou déficitaires), soit à l’ensemble des citoyens, reflétant l’idée que la propriété était « sociale » et pas « d’entreprise ». N’importe quel travailleur/citoyen pouvait donc devenir actionnaire de n’importe quelle ancienne entreprise socialisée, notamment à l’aide de bons (vouchers) distribués aux citoyens comme pouvoir d’achat de ces actions. Si leur choix était d’acquérir des parts de leur propre entreprise (en plus des 20 % initiaux), ils bénéficiaient de 50 % de discount et des délais de paiement. Ce qui n’était pas approprié par les travailleurs/citoyens revenait à l’État ou au fond de développement.

En pratique, comme dans toutes les variantes de cette logique d’actionnariat populaire par vouchers en Europe de l’Est, une concentration s’est rapidement produite. En trois années, selon Joze Mencinger (5), l’actionnariat « de masse » s’est réduit d’un tiers, les « capitalistes par vouchers » préférant revendre leurs parts contre du cash, notamment avec la perte de revenus du début de la décennie 1990. Si les insiders étaient majoritaires dans plus de 60 % des entreprises à la fin de la période initiale de privatisation (1997), il s’agissait des plus petites, comptant pour moins de 25 % du capital total ; à l’inverse, dans les 150 entreprises qui recouvraient 45 % du capital, les insiders détenaient moins de 20 % des parts — les chiffres n’indiquant pas les parts concentrées par les directeurs eux-mêmes qui restèrent rarement « rouges » (comme on les appelait).

En pratique, l’État slovène a gardé le contrôle des grandes entreprises et secteurs stratégiques — assurances, distribution, télécommunications et banques — jusqu’aux années 2000 et y reste encore principal actionnaire sinon majoritaire, ce qui a facilité une « transition » moins agressive socialement.

 

L’évolution du secteur bancaire slovène

 

Le cas du secteur bancaire est significatif des résistances initiales à l’ultra-libéralisme, contrairement par exemple à l’Estonie déjà évoquée. Mais il faut rappeler tout d’abord que, dans la dernière phase du système yougoslave, les réformes constitutionnelles (6) du début des années 1970 resocialisaient les banques dans le cadre des entreprises autogérées, dont elles devenaient le service financier. C’est ce système, favorisant un fort endettement dans les années 1980, qui a donc été confronté aux privatisations de masse des entreprises autogérées — avec leur actionnariat de masse.

À partir de 1991, un système à deux étages (banque centrale, banques commerciales tournées vers une logique de profit) était introduit. De nouvelles banques se sont créées pendant que les anciens services bancaires étaient de fait privatisés automatiquement quand leurs anciens propriétaires (entreprises autogérées) devinrent actionnaires principaux. Mais l’endettement antérieur et la désintégration yougoslave posèrent des problèmes majeurs de créances non récupérables, associées aussi à l’effondrement des entreprises dans la « récession systémique » du début des années 1990. En même temps des comptes en devises ne pouvaient être remboursés. En 1993, les banques de second rang furent placées sous contrôle administratif d’une Agence de réhabilitation bancaire, publique, qui devint de fait propriétaire des banques insolvables, et les restructura jusqu’en 1997. À la fin du processus de réhabilitation, c’est l’État qui devint propriétaire officiel d’une part essentiel du système bancaire, notamment des deux plus grandes banques — Nova Ljubljanska Banka (NLB) et Nova Kreditna Banka Maribor (NKBM, résultant d’une fusion avec la troisième plus grosse banque) (voir les tableaux).

En 2002, sous pression des exigences des institutions financières et de la Commission européenne, le gouvernement annonça la privatisation de ces deux banques, dans le cadre d’une adjudication qui fut un échec partiel : les protestations populaires contre la privatisation des assurances et des banques et notamment contre la vente des actifs bancaires au capital étranger aboutirent à limiter l’acquisition de parts par la banque belge KBC à 34 % seulement du capital de NLB, pendant que la BERD en obtenait 5 %. Moyennant quelques autres cessions, l’État conserva 44 % des actifs de NLB (mais plus de 90 % de NKBM).

 

Tableau 1 : Structure de la propriété dans le secteur bancaire slovène dans la première moitié des années 2000

 

 

Mais avec les négociations d’intégration à l’UE dans les années 2000, les pressions pour l’intégration financière des pays candidats — par leur ouverture à la libre circulation des capitaux — s’intensifièrent.

Dans tous les pays candidats (immédiats ou potentiels), les années 2004-2007 furent celles d’une entrée importantes d’IDE, notamment dans le secteur bancaire : la libéralisation des services financiers, dans le cadre de l’OMC à la fin de la décennie précédente, coïncida avec les difficultés particulières de création de banques privées en Europe de l’Est dans le contexte d’un sentiment de sécurité apporté par la perspective de l’intégration dans l’UE : d’où la montée spectaculaire de la part des actifs bancaires contrôlés par les banques d’Europe occidentale. La Slovénie trancha avec le scénario général, en dépit d’une pression croissante pour des privatisations : la part des actifs bancaires sous contrôle étranger resta minoritaire jusqu’à ce jour.

 

Tableau 2 : Part des actifs sous domination du capital étranger (en % du total) dans les banques

 

Cette faiblesse relative de la part des capitaux étrangers dans les banques se retrouve à l’échelle globale de la part des IDE par rapport au PIB, bien plus faible en Slovénie que dans tous les autres PECO.

 

Tableau 3 : IDE dans les PECO (Pays d’Europe centrale et orientale avant adhésion à UE)

 

Mais (contre toute interprétation « nationaliste » de la crise bancaire) l’exemple slovène illustre aussi que l’appât du gain et donc des montages financiers n’a pas épargné les banques « nationales », voire à fort capitaux publics en Slovénie.

C’est dire que l’accent doit être mis sur la logique économique et financière globale et celle des banques elle-même. L’intégration européenne de la Slovénie a rapproché sa politique et les pratiques des partis au pouvoir des critères dominants. Les privatisations se sont intensifiées et, avec elles, les opérations clientélistes de corruption diverses, qui ont commencé à frapper les partis au pouvoir. Ceci fut exploité par l’opposition de droite.

 

 

De la radicalisation néolibérale à la crise

 

 

L’année de l’entrée de la Slovénie dans l’UE (2004) fut aussi celle de l’arrivée au pouvoir du Parti démocratique slovène, de droite, et du premier gouvernement Jansa. L’heure était à la nouvelle « stratégie pour le développement » : c’était la réplique de la stratégie néolibérale de Lisbonne élaborée en 2005 au plan européen. Et elle se présentait comme une promotion du bien-être, de l’initiative individuelle, des libertés et d’une plus grande transparence sur l’État, contre la corruption qui avait éclaboussé les partis de centre gauche au pouvoir depuis 15 ans. C’est au nom de ces promesses que le « gradualisme » des réformes devait prendre fin en dépit des succès de la Slovénie (7).

Désormais furent mis à l’ordre du jour, comme le réclamait la Commission européenne, la flexibilité du travail, la réforme des retraites et celle de la fiscalité — piliers d’une ouverture radicale aux IDE : une flat tax de bas niveau devait attirer le capital et s’accompagner d’une augmentation de la TVA sur les produits.

La « transparence » sur l’État se traduisit par un vaste projet de privatisation notamment des grandes banques et compagnies d’assurance, des télécoms et du secteur de l’énergie, sur la base d’une critique du clientélisme étatiste. En réalité, dans le cadre d’opérations opaques (notamment via le contrôle de deux fonds d’investissement publics, KAD et DOD), le parti de gouvernement se réserva des parts substantielles (de l’ordre de 30 % à 40 %) dans la privatisation totale ou partielle de secteurs majeurs (port, aéroport, brasserie, vente de détail Mercator, compagnie pétrolière, compagnie pharmaceutique, etc.), non sans clientélisme politique, à son tour.

Dès 2007 une bulle immobilière majeure se noua — comme en Espagne, mais surtout comme en Hongrie, en Croatie et au Monténégro. La combinaison de la crise bancaire et de la récession dans la « vieille Europe » en 2008 ne pouvait qu’atteindre de plein fouet un pays très dépendant (de par sa taille) des exportations vers l’UE — souvent sous forme de sous-traitance — et dont la croissance récente était entraînée par une spéculation immobilière régionale de grande ampleur et des crédits transfrontaliers peu contrôlés.

La crise bancaire et la récession mondiale et européenne en 2008 ont produit une forte contraction des exportations et des crédits après la crise bancaire (8). Les défaillances de remboursement de dette se sont multipliées avec la hausse des taux d’intérêt sur des emprunts toxiques. La récession a donc frappé l’Europe de l’Est en 2009 du fait de sa double dépendance, commerciale et financière, à l’égard de l’UE. La chute de croissance y a été plus forte que dans la vieille Europe (9). Le retour à la croissance a été le plus difficile là où la phase antérieure a été associée à une bulle immobilière nourrie par les crédits — et quand le pays était le plus dépendant des exportations dans des pays fragiles de l’UE : c’était, sur ces deux plans, le cas de la Slovénie, dont l’Italie est, après l’Allemagne, le principal partenaire commercial.

Depuis lors, les discours alarmistes se sont multipliés de la part du gouvernement comme des institutions internationales et européennes : la Slovénie serait au bord du gouffre et devra accepter (enfin) des mesures « d’assainissement » et de « compétitivité », notamment si elle doit recourir au « mécanisme » européen de « sauvetage ». Les scandales de corruption et de fraude fiscale combinés aux attaques sociales ont été à l’arrière plan des grandes mobilisations sociales de l’hiver dernier.

 

De Maribor au pays tout entier et aux Balkans

 

La goutte d’eau à Maribor a été, fin 2012, la privatisation de la perception des amendes pour excès de vitesse suite à l’installation de radars. La colère populaire s’est déclenchée en même temps que la commission anti-corruption révélait quelques scandales associés à la gestion clientéliste et familiale du maire, Franc Kangler. Jusqu’alors ce dernier avait bénéficié d’une image plutôt populaire de shérif et « homme du cru au grand cœur » appuyée sur les distributions de goulash dans les rues (10). Pourtant bien des dégradations sociales s’étaient accumulées depuis le début des années 1990 de l’indépendance slovène, quand Maribor, bénéficiant d’un statut d’autonomie, vit la mise en faillite rapide des anciens géants industriels locaux et leur privatisation.

Des « partenariats public/privé » avec des compagnies étrangères se sont multipliés préfigurant la privatisation de services : sur de telles bases, dès 1997 le tarif de l’eau était ainsi bien plus élevé dans la ville que dans le reste du pays ; cela a été aussi le cas, plus récemment, des tarifs de transports publics dont la gestion a été cédée à Veolia. L’an passé, le maire de la ville, Franc Kangler, après avoir vendu le téléphérique, a encore privatisé le réseau de distribution de gaz pour assurer, disait-il, les ressources permettant à Maribor d’assumer ses activités de « capitale européenne de la culture ». Logement sociaux, équipements municipaux, services d’inhumation ont également été en partie ou totalement privatisés produisant chaque fois des augmentations de prix.

Pétitions et autres initiatives populaires n’y ont rien fait. Les manifestations de colère ont donc été radicales, exaspérées par plus d’une quinzaine de condamnations du maire pour divers trafics.

Les réactions musclées du gouvernement Jansa et les scandales de fraude fiscale et autres trafics touchant le Premier ministre lui-même, n’ont fait que généraliser la colère jusqu’à l’éclatement de la coalition gouvernementale en janvier 2013.

 

À l’arrière-plan des manifestations spontanées, outre l’accumulation des résistances organisées par les syndicats, s’est formé un autre creuset de radicalisation, tourné vers la jeunesse, en dehors des partis institutionnels : la Workers & Punks’ University (WPU) — université parallèle autogérée établie en 1998 — qui a rompu avec  le silence stupéfiant de la vie intellectuelle slovène des années 1990, comme l’exprime la présentation de la WPU. Celle-ci a dû se développer à l’extérieur de l’institution universitaire officielle devenue un  » bastion du conservatisme nationaliste et de l’idéologie libérale technocratique »  à la fin des années 1990. Mais il lui a fallu résister à l’ONGisation finalement conventionnelle qui la menaçait également — en étant financée par le milliardaire Soros (qui a soutenu dans la région tous ceux qui résistaient aux nationalismes belliqueux). L’équipe d’animation de la WPU résista sur tous ces fronts dans l’organisation de ses séminaires de lecture et de réflexion incorporant le plus riche des traditions marxistes et de la critique de l’économie politique, ancrant les formations de ces dernières années sur les analyses des crises capitaliste et européenne, mais aussi sur l’expérience du socialisme yougoslave. Nourrie à la fois par la richesse du passé/présent de la révolution et de l’expérience autogestionnaire yougoslaves et par la perception de la crise profonde du système capitaliste globalisé, la WPU organise ainsi chaque année cinq ou six séminaires de lectures et de projections de films culminant sur une semaine intensive d’ateliers de réflexion dans son « École du 1er Mai ». La recherche de participants extérieurs et de jeunes des divers pays balkaniques a conduit ses membres à organiser les cours en anglais, avec des relais de formation dans plusieurs pays de la région, grâce au soutien précieux de la Fondation Rosa Luxembourg associée à Die Linke.

Une interaction se produit donc entre diverses mobilisations et initiatives dans les Balkans (11), où deux rendez-vous majeurs s’articulent et permettent de plus en plus de dialogues et de regards croisés sur les alternatives : ceux de la WPU de Ljubljana, qui culminent dans les séminaires de son École du 1er Mai et, dans les semaines suivantes, ceux du Festival subversif de Zagreb (12), depuis maintenant plusieurs années. Ce grand Forum en Croatie accueille des centaines de personnes (surtout des jeunes), en combinant diverses dimensions — allant du festival de films progressistes à de grands « shows » médiatiques en passant par des ateliers de réflexion thématiques où des participants internationaux viennent chaque année. Il a connu un tournant important l’an passé en organisant un premier Forum social balkanique (13) qui doit prolonger ses liens et se construire dans la durée.

Toutes ces initiatives se produisent avec un impact direct de la crise grecque dans les Balkans, ainsi que, au plan de la radicalisation politique, l’impact de Syriza (dont des militants et dirigeants participent aux rencontres de Ljubljana et de Zagreb).

La réflexion sur les fronts socio-politiques larges à construire et le sentiment que l’Europe peut et doit se repenser avec le regard et l’expérience de ses « périphéries » du sud et de l’est irriguent toutes ces rencontres.

Cette année l’Alter-Summit d’Athènes se préparera à Zagreb en mai… Et le Manifeste pour l’annulation des dettes illégitimes adopté en marge du Forum social mondial de Tunis concerne aussi la Slovénie.

Car la crise slovène s’insère de plus en plus dans la « normalité » capitaliste européenne, ce qui impose de trouver des relais de résistances à cette échelle, tout en faisant émerger un front socio-politique associant les syndicats et les jeunes dans la résistance populaire nationale.

La position charnière de la « petite » et si riche Slovénie dans les Balkans et dans la Zone euro est essentielle à l’émergence d’une Autre Europe. ■

 

 

 

Catherine Samary, économiste, est membre du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France) et de la Gauche anticapitaliste (GA, une scission du NPA de juillet 2012), ainsi que de la IVeInternationale. Elle a publié, notamment, Yougoslavie, de la décomposition aux enjeux européens (éditions du Cygne, 2008),les Conflits yougoslaves de A à Z (L’Atelier, 2000, écrit avec Jean-Arnault Dérens), la Déchirure yougoslave — Questions pour l’Europe (L’Harmattan, 1994), le Marché contre l’autogestion, l’expérience yougoslave (Publisud-La Brèche, 1988).

 

 

 

 

 

 

CHRONOLOGIE

 

 

* 1991 : Indépendance. Victoire précaire de la coalition de droite DEMOS. Le président élu est Milan Kucan (ex-communiste social-démocratisé). Transformation des anciens syndicats en Confédération des syndicats libres de Slovénie ZSSS ; démission du ministre de l’économie Joze Menciger contre les projets de privatisation de Jeffrey Sachs et grève générale contre les lois de privatisations.

* Coalitions de centre-gauche jusqu’en 2004.

* 2004 : la Slovénie avec sept autres pays d’Europe centrale et orientale (dits PECO) devient membre de l’UE (1) après avoir rejoint l’OTAN. Arrivée au pouvoir du parti conservateur de Janez Jansa (2004-2008)

* Novembre 2005, manifestation de 40 000 personnes à l’appel des syndicats contre le projet de Flat-Tax (taux d’imposition unique à la place de l’impôt progressif) et de hausse de la TVA (devant passer de 8 % à 20 %)

* 2007 : la Slovénie entre dans la zone euro. Quelques mois plus tard, un front syndical appelle à manifester pour une protection des salaires contre les effets de l’inflation : 70 000 personnes (2).

* 2009 récession d’environ — 8 % avec crise bancaire après une forte spéculation immobilière ; scandales de corruption ; sauvetage des banques et hausse du déficit public.

* 2011 : un référendum populaire (obtenu par les syndicats) rejette un projet de contrats d’emplois précaires. Désaccords gouvernementaux sur les retraites. En septembre, le Premier ministre social-démocrate Borut Pahor (centre-gauche) est renversé par une motion de censure. Aux élections anticipées de décembre, le parti « Slovénie positive » du maire de Ljubljana, Zoran Jankovic arrive en tête mais ne peut former un gouvernement. Coalition gouvernementale éclectique à dominante de droite, intégrant le Parti des retraités.

* 2012 : Janez Jansa revient à la tête du gouvernement. L’État recapitalise les principales banques du pays et met en place une « Bad Bank » pour les épurer de leurs créances toxiques. Votes par le Parlement de réformes entamant une libéralisation des retraites et du code du travail.

* Novembre 2012 : scandales de corruption. Le 17, manifestations à Maribor puis dans tout le pays contre les baisses de salaire dans la fonction publique et les réductions des aides sociales.

* Janvier 2013 : à l’initiative des syndicats, grève de 100 000 personnes dans la fonction publique et d’autres secteurs. Manifestations dans différentes villes de Slovénie. La coalition gouvernementale vole en éclats après la révélation de fraude fiscale, notamment du premier ministre Jansa, tout comme du maire de la capitale, Z. Jankovic.

* Février 2013 : manifestations contre le premier ministre Jansa (3). Nouveau gouvernement Alenka Bratusek (présidente du parti “Slovénie positive”) qui promet aux institutions européennes un plan de restructuration fiscal et bancaire pour mai.

 

 

 

Notes

1. Cf. « Slovenia 2013 Staff Visit : concluding statement of the Mission », Ljubljana, March 18, 2013.

2. Aux dernières élections (décembre 2011) à l’Assemblée nationale, le nouveau parti « Slovénie positive » (centre-gauche) créé par le maire de Ljubljana, Zoran Jankovic, est arrivé en tête mais n’a pas réussi à former un gouvernement. Z. Jankovic préférant alors se faire réélire maire en mars 2012 en renonçant à son siège de deputé. Une coalition éclectique à dominante de droite (à laquelle s’est intégré le Parti des retraités DeSUS) s’est établie, incluant le SDS de Janez Jansa qui est devenu Premier ministre début 2012, jusqu’à sa chute après les manifestations et les révélations de fraudes fiscales et autres scandales affectant Jansa. La présidente du parti « Slovénie positive » est devenue la première femme Première ministre.

3. Ancien ministre d’économie du premier gouvernement de 1990, il démissionna en mai 1991 pour protester contre les lois de privatisation prônées par Jeffrey Sachs, bien connu en Amérique latine et en Pologne pour ses conseils ultra-libéraux. Il a participé aux réseaux des économistes européens résistant aux politiques néolibérales.

4. Sur la comparaison Estonie et Slovénie, lire Nicole Renee Lindstrom, « Economic nationalism in the New Europe», Conference European Identities ?, London, Nanovic Institute for European Studies, October 17-18, 2008 : http://nanovic.nd.edu/research-publications/conference-papers/european-identitities

5. Cf. Joze Mencinger, « Privatization in Slovenia », EIPF and University of Ljubljana, 2006.

6. Dans la phase du « socialisme de marché », du milieu des années 1960 au début des années 1970, les fonds d’investissement servant à la planification furent démantelés, les droits autogestionnaires augmentés de façon décentralisée au sein des entreprises atomisées et les banques acquirent une logique de profit, tout en contrôlant une part importante du surplus. Très rapidement, des relations d’osmose se produisirent entre le secteur bancaire et les directions d’entreprise sur le dos des travailleurs. Les protestations sociales et idéologiques contre « la bourgeoisie rouge » et la « propriété de groupe », ainsi que le creusement rapide des écarts de développement lié à la compétition marchande, produisirent un tournant de la direction titiste et des amendements constitutionnels. Sur les différentes réformes du système yougoslave, cf. Catherine Samary. « Plan, marché et démocratie », Cahiers d’Étude et de Recherche n° 7/8, IIRF, Amsterdam 1988.

7. Après la récession initiale liée à la fois au changement de système et au démantèlement de la Yougoslavie, la Slovénie connut un taux de croissance stable et relativement élevé — d’environ 4 % — et malgré la montée des inégalités, la moindre destruction de ses acquis sociaux grâce aux résistances évoquées, la maintenait en tête de tous les PECO ; quant au PIB par habitant, en 2010 il était (malgré la récession de 2009) de 28 000 dollars en parité de pouvoir d’achat, proche de la moyenne de l’UE, contre un peu plus de 18 000 pour l’Estonie (le plus faible étant celui de la Roumaine : 11 700 dollars).

8. En 2009-2010 l’amorce d’un retrait important des banques de leurs filiales à l’est pour faire face à leur crise risquait de tourner à « un tsunami social et bancaire », comme je l’ai alors évoqué (Cf. Inprecor n° 549/550, mai-juin 2009). La crise a été effective, ainsi que la contraction des crédits, mais l’effondrement des filières des banques occidentales ne s’est pas produit en raison d’une intervention massive et peu publique de toutes les grandes institutions financières mondiales et européennes dans le cadre coordonné dit de « l’initiative de Vienne » (voir : vienna-initiative.com). Devant la fragilité de la situation — notamment pour les pays des Balkans percutés par la crise grecque (Serbie, Roumanie…) — la BERD a relancé une deuxième « initiative de Vienne » dès 2012. Après avoir vanté la « stabilité » liée à l’intégration financière, la BERD recommande désormais aux banques d’Europe de l’Est de chercher à… moins dépendre des financements externes et de développer leurs crédits sur la base des dépôts nationaux.

9. La chute a été la plus forte dans les États baltes — subissant une récession allant de 14 % à 18 % en 2009 — après qu’ils eurent été présentés comme les « tigres » de l’Europe de l’Est, marqués par une très forte hausse des crédits à la consommation après une chute du niveau de vie considérable dans la décennie 1990. L’ensemble des pays de l’Est a connu une récession plus forte que la vieille Europe, les seuls échappant à la récession étant la Pologne (grâce à sa taille et des sources de croissance plus diversifiées) et l’Albanie (avec un fort soutien de l’État avant des élections, le rapatriement de revenus d’émigrés touchés par la crise et des gains à l’exportation).

10. Cf. Courrier des Balkans, « Mladina — Bruit, fureur et ultra-libéralisme en Slovénie : les raisons de la colère » (Mladina du 4 décembre 2012)

11. Mobilisations contre l’austérité en Roumanie en janvier 2012, en Bulgarie en mars 2013, etc.

12. Voir le site (en croate et en anglais) : www.subversicefestival.com

13. Voir la traduction en français de sa déclaration finale sur Europe solidaire sans Frontières (ESSF) : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article26852

 

Notes de la chronologie

1. Outre Malte et Chypre, huit pays d’Europe centrale et orientale (PECO) deviennent Nouveaux États membres (NEM) en 2004 : République Tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie, Slovénie et les trois États baltes — Estonie, Lettonie et Lithuanie ; la Roumanie et la Bulgarie les rejoignent en 2007. La Croatie devrait devenir membre en juillet 2013. Les autres États balkaniques sont dans des négociations d’adhésion.

2. Cf. Inprecor n° 532/533 de novembre-décembre 2007.

3. Cf. Inprecor n° 591 de février 2013